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À la recherche des talents perdus

Comment les entreprises industrielles font-elles appel à de nouveaux talents aujourd’hui ? Dans quelle mesure l’attitude des candidats a-t-elle vraiment changé ? Quelles sont les différences régionales ? Quelles sont les opportunités offertes par le recrutement axé sur les données et pour quelles entreprises est-il envisageable ? Et comment le UNITED GRINDING Group se positionne-t-il dans cette intense bataille à venir pour les meilleurs candidats ? Les experts Karin Bauder-Zilly et Gero Hesse discutent avec Stephan Nell, CEO de UNITED GRINDING Group

 

Les trois interlocuteurs Karin Bauder-Zilly, Gero Hesse et Stephan Nell (de gauche à droite) se rencontrent dans un hôtel à Cologne.
L’entretien porte sur l’importance cruciale pour l’avenir d’une entreprise d’attirer aujourd’hui les les jeunes talents dont elle a besoin. L’hôtel qui sert de lieu joue lui aussi avec le thème de l’avenir ; dans une variante design « rétro-futuriste »

Est-il aujourd’hui plus difficile de recruter de nouveaux talents pour les entreprises industrielles ? Et dans l’affirmative, à quoi peut-on attribuer ces changements ?

HESSE Oui, sans aucun doute. Ce n’est pas non plus surprenant si l’on prend en considération des sujets tels que la démographie, la numérisation ou l’évolution du système de valeurs. Ce n’est certainement pas le cas dans tous les pays, mais ces considérations sont valables pour nombreux d’entre eux. La numérisation est partout présente. Depuis 2018 environ, nous assistons à une révolution conceptuelle à une large échelle. Je m’occupe de ce sujet depuis 25 ans déjà. Et je ne n’avais jamais connu une pénurie de main-d’œuvre qualifiée aussi aiguë sur le marché de l’emploi en Allemagne. C’est un véritable bouleversement. La manière dont les entreprises ont traité le personnel au cours des 50 - 60 dernières années ne tient tout simplement plus la route. Nous assistons à une perte de pouvoir des employeurs au profit des employés.

Gero Hesse, directeur d’agence de recrutement, estime que les entreprises doivent doivent faire preuve de plus d’imagination pour susciter l’intérêt des jeunes talents. Karin Bauder-Zilly et Stephan Nell soulignent que les conditions sont très différentes à l’échelle internationale

Vous parlez de l’Allemagne…

BAUDER-ZILLY Oui, mais ces mêmes considérations s’appliquent également au marché de l’emploi mondial. La société Robert Bosch GmbH est par exemple confrontée à davantage d’obstacles au niveau mondial lors de l’embauche par rapport au marché allemand, car la marque n’est pas si connue en dehors de l’Allemagne. En Allemagne, nous jouissons d’une excellente image de marque et d’une certaine notoriété qui atteint même plus de 90 %. Néanmoins, d’une manière générale, le marché est en hausse. Les entreprises doivent faire preuve de davantage de créativité et les budgets consacrés aux campagnes de recrutement augmentent. Bien sûr qu’il y a des talents quelque part là-dehors. Nous devons juste être suffisamment attractifs à leur yeux, à la façon d’une « Contest Beauty "». Cela vaut pour toutes les générations.

NELL Nous trouvons des jeunes talents, nous les trouvons toujours, mais c’est devenu plus ardu. Notre quota de formation en Europe est supérieur à dix pour cent, ce qui est énorme. Ce que vous décrivez là est valable pour nous en Allemagne et en Suisse. Aux États-Unis, par exemple, nous proposons une formation basée sur le système de formation par alternance (système dual) en vigueur en Suisse ou en l’Allemagne. Ainsi, aux États-Unis, nous sommes également un employeur attractif pour les jeunes.

HESSE Oui, je veux bien le croire. Mais vous avez aussi décidé de proposer quelque chose d’intéressant qui tient compte des intérêts du groupe cible.

NELL Oui, bien sûr. Et en Chine aussi nous trouvons des gens sans problème. Mais dans d’autres régions d’Europe, la situation est également différente de celle d’Allemagne et de Suisse. Prenons par exemple l’Italie, l’Espagne, où le taux de chômage des jeunes est très élevé. J’entends toujours dire : Les entreprises doivent..... Mais les entreprises doivent aussi être en mesure de pouvoir faire.... Car nous ne pouvons faire face à toutes ces nouvelles exigences que si nous sommes nous-mêmes compétitifs et prospères – et ce, à long terme. Et la concurrence mondiale, à laquelle nous sommes confrontés, façonne notre champ d’action et nous ne permet pas toujours de mettre en œuvre ce que nous, les employés et nous-mêmes, souhaiterions.

HESSE Je n’en suis pas si sûr. C’est une question de marché. Lorsque le marché du travail se porte bien, pas besoin de faire quoi que ce soit. Cependant le marché est loin d’être simple. Je sais ce qui se passe dans les entreprises. Aujourd’hui, on se réunit pour aborder le sujet au sein du comité directeur, alors qu’auparavant c’était au niveau des intervenants.

NELL Et si la situation ici ne s’améliore pas, les entreprises devront se tourner vers des pays où le marché du travail est moins tendu. Et où les gens demandent non seulement « Que peut faire l’entreprise pour moi », mais aussi « Que puis-je faire pour l’entreprise ». Nous essayons de répondre au mieux aux besoins des collaborateurs. Mais tous les souhaits ne peuvent pas être exaucés. Comme par exemple le thème abordé par cette question qui nous a déjà été posée : « Est-il est possible de suivre une formation professionnelle à temps partiel ? »

HESSE Je ne suis pas en train d’affirmer ici que nous devons toujours nous focaliser entièrement sur les besoins des collaborateurs et accommoder tous leurs besoins. Parfois, il faut d’abord créer un ressenti pour le travail. Qu’est-ce que cela signifie au juste ? Que ce n’est pas une question de vœux à exaucer. Mais qu’il faut plutôt veiller à la façon d’argumenter.

BAUDER-ZILLY J’ai de très belles personnes dans mon équipe qui sortent tout juste de l’université, qui ont des ambitions et qui sont très dynamiques. Bien sûr ils exigent aussi quelque chose de moi, mais ils en ont le droit. J’exige aussi quelque chose d’eux.

« NOUS TROUVONS DES JEUNES POUR LA RELÈVE. C’EST DEVENU PLUS DIFFICILE, MAIS NOUS LES TROUVONS TOUJOURS. »
Stephan Nell

Ne pouvons-nous pas déjà démystifier quelque peu cette « génération Z » ? Après tout peut-être il ne s’agit que d’un aspect culturel propre à l’Allemagne. De nombreuses études ont démontré également que ses besoins ne sont pas si différents en fin de compte. Un emploi sûr reste le souhait le plus important…

BAUDER-ZILLY Oui, l’on a démontré entre-temps que les plus grandes différences dépendent des étapes ou phases de la vie et pas des générations. Je partage entièrement cet avis en fonction de mon expérience personnelle, en tant que mère de trois enfants. C’est la phase de vie dans laquelle ils se trouvent à guider les gens. Ils donnent peut-être beaucoup parce qu’ils sortent tout juste de l’université et que le travail peut maintenant occuper beaucoup de place dans leur vie. Et plus tard, dans une autre phase, lorsqu’ils construisent une maison ou qu’ils ont des enfants, cela change à nouveau. Cela n’a rien à voir avec le fait d’être né en 1978 ou en 1998. Nous avons découvert par le biais d’un sondage que le télétravail est bien plus important aux yeux des professionnels plus âgés et moins pour les étudiants. Et ce peut-être parce qu’ils ont besoin de davantage de flexibilité en raison de la phase de vie dans laquelle ils se trouvent.

HESSE Ceux qui ont aujourd’hui 16 ans, et qui sont confrontés aux thèmes qui font la une des journaux comme le réchauffement climatique et la guerre en Ukraine, auront un ressenti différent par rapport aux jeunes qui traversaient cette phase de vie il y a dix ans. Mais je ne n’accorderais pas trop d’importance à ce facteur. En fin de compte, les gens souhaitent que leurs besoins soient pris en compte – et le marché du recrutement révèle qu’ils ont les bonnes cartes en main pour s’imposer. Je ne fais pas de distinction entre les générations. Aujourd’hui, les personnes qui travaillent dans une bureau se demandent : pourquoi devrais-je venir au bureau tous les jours si je peux le faire ce que je fais depuis chez moi ? Mais les quinquagénaires affirment la même chose que les jeunes de 25 ans.

NELL Beaucoup de jeunes qui travaillent aujourd’hui chez nous ne sont pas différents de leurs prédécesseurs. Et n’est-ce pas toujours la génération des parents qui faisaient plutôt preuve de retenue à l’égard de l’avenir ? Et notre expérience en matière de télétravail nous a enseigné que de nombreux employés n’utilisent pas cette possibilité. L’enthousiasme pour le travail, l’entreprise et l’équipe se développe sur place, dans l’entreprise. Une vidéo ne suffit pas pour établir des relations.

HESSE J’hésite à vous donner raison. Dans le monde du travail de notre propre entreprise, constituée de 550 personnes, je constate qu’une part extrêmement importante du travail se fait de manière virtuelle et numérique, parce que le modèle commercial le permet. Et bien sûr, le contact personnel est important. Mais nous réfléchissons beaucoup à la manière de créer certains moments propices à l’identification et à la motivation afin de reproduire les activités normales de tous les jours sous forme numérique dans la plupart des cas.

NELL Chez nous, le cercle de ceux qui doivent être physiquement présents à l’usine est plus grand, car il nous faut bien quelqu’un pour assembler ces machines. Ce n’est malheureusement pas possible à partir de chez soi. Ces collaborateurs ont à leur tour besoin du supports dans le cadre de leurs activités des postes de travail en amont et en aval. Ainsi le thème du télétravail se limite dans notre entreprise à quelques-uns d’entre nous pour lesquels ce mode de travail est possible sans nuire à l’efficacité des processus opérationnels.

HESSE Les boulots ne sont tout pas tous les mêmes. Le télétravail est souvent perçu comme une injustice. Mais qu’en était-il autrefois quand on travaillait à l’usine de sept à trois et que le vendeur devait partir le matin à sept heures et ne rentrait chez lui qu’à neuf heures le soir. Ce n’était pas juste non plus.

« IL EST PROUVE QUE LES PLUS GRANDES DIFFERENCES INTERGENERATIONNELLES DEPENDENT DES PHASES DE VIE ET NON DE L’AGE. »
Karin Bauder-Zilly

Le marché du recrutement, qui a changé à bien des égards, a également entraîné une évolution des méthodes de recrutement. Madame Bauder-Zilly, quelle est votre approche chez Bosch ?

BAUDER-ZILLY Nous sommes une très grande entreprise. D’un point de vue mondial, il s’agit de plusieurs milliers de postes à pourvoir. Chaque année, nous recevons des centaines de milliers de candidatures. C’est pourquoi l’efficacité du processus de recrutement doit être maximale. Nous analysons les données recueillies tout au long du processus de recrutement, de l’envoi du dossier par les candidats jusqu’à la communication de notre part de l’engagement et l’établissement du contrat. Cela nous permet d’optimiser nos processus et de comprendre comment et où certains contenus peuvent être communiqués au mieux : par exemple lors d’un événement sur place, d’une campagne Instagram ou d’une campagne de recherche Google. Nous pouvons alors suivre très précisément les groupes cibles auxquels nous nous adressons ou identifier à quel stade de la sélection nous risquons de les perdre. Quelle est la qualité des candidats et où a lieu au final l’embauche ?

« LES GENS VEULENT QUE LEURS BESOINS SOIENT PRIS EN COMPTE – ET LE MARCHÉ LEUR FOURNIT AUJOURD’HUI LES CONDITIONS POUR LES FAIRE VALOIR. »
Gero Hesse

Vous avez pour ainsi dire automatisé le processus de recrutement et de sélection…

BAUDER-ZILLY Il ne s’agit pas maintenant de laisser une machine prendre en charge l’ensemble du processus d’embauche. Nous en sommes encore loin et je ne voudrais jamais devoir opter pour ce genre de méthode de recrutement. Mais prenons par exemple le thème « hard to fill », c’est-à-dire un poste difficile à pourvoir. Mais pourquoi pense-t-on qu’il est difficile à pourvoir ? Parce que quelqu’un en a fait l’expérience. Mais il se peut qu’un autre recruteur ait un ressenti totalement différent en fonction de son expérience personnelle. Face à de telles questions, nous ne nous contentons plus d’impressions subjectives, mais nous disons : Bon, jetons un coup d’œil aux chiffres. Depuis combien de temps le poste est-il affiché en ligne ? Est-il qu’il est suffisamment bien décrit ? Est-ce que l’on a eu recours à trop de jargon interne difficile à comprendre en dehors de l’entreprise ? Le catalogue des exigences est-il beaucoup trop vaste et les gens se sentent-ils dépassés ? Est-ce que le texte est excessivement complexe ? L’annonce est-elle rédigée de manière à s’dresser spécifiquement au genre féminin ou masculin ? Nous avons un outil qui nous permet de le détecter. Nous avons constaté que les hommes étaient plus nombreux à postuler à des postes dont la description était plus complexe. Si nous voulons recruter plus de femmes, nous devons prêter plus d’attention à la rédaction de nos annonce et les simplifier. Et ensuite nous observons si après cette amélioration nous recueillons davantage de succès avec nos annonces. Grâce à de telles procédures, nous pouvons doubler les taux de conversion.

« LES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES S’APPRENNENT. LORSQUE LA PERSONNE S’INTÈGRE DANS L’ÉQUIPE, CE N’EST GÉNÉRALEMENT PAS UN PROBLÈME. »
Stephan Nell

Sur quelle période peut s’étendre untel processus de recrutement ?

NELL Nous devons fidéliser les candidats prometteurs dès le départ. Par exemple, il se peut que nous ayons rencontré quelqu’un à l’occasion d’un événement et peut-être que cette personne a déjà postulé chez nous. Même si nous n’avons pas pu proposer de poste adéquat aux candidats à ce moment là, nous nous efforçons d’établir malgré tout un contact. J’entends par là les appeler personnellement et pas leur envoyer notre newsletter. À quoi cela peut ressembler ? Dans quelle phase de vie se trouvent-ils ? Est-ce que le candidat est un couple et le partenaire doit-il également trouver un emploi dans la région si on veut réussir ? Et si nous parvenons à recueillir toutes ces informations spécifiques, nous parviendrons à pouvoir le poste identifié comme « hard to fill ».

HESSE Avoir recours à Recruiting Analytics est désormais l’approche à suivre. Environ la moitié des entreprises de plus de 1 000 employés y ont déjà recours. Mais pour cela, il faut un état-major au sein de l’entreprise ou avoir recours à un soutien externe.

BAUDER-ZILLY Nous avons déjà connu des périodes au cours desquelles nous avons embauché beaucoup de candidats externes. Actuellement, nous nous nous trouvons dans une phase de consolidation et nous nous concentrons sur les postes vraiment difficiles à pourvoir. Il s’agit par exemple de professionnels du domaine de la cyber-sécurité, des semi-conducteurs ou de l’intelligence artificielle. Ce sont des spécialistes que nous sommes obliger de recruter depuis l’extérieur. Par ailleurs, nous avons également un énorme marché du travail interne avec 130 000 collaborateurs en Allemagne qui souhaitent aussi évoluer au sein du groupe.

Les profils que nous recherchons sont très, très difficiles à trouver. C’est une tâche ardue qui fait appel à l’ensemble de nos compétences. Nous effectuons également du diagnostic d’aptitude, un thème que nous venons de mettre en œuvre au sein de notre service d’experts groupé, dénommé le People Acquisition Campus. En fin de compte, nous souhaitons nous éloigner de plus en plus des décisions prises par intuition et opter pour des décisions avisées.

NELL En Allemagne, nous avons du mal à trouver des techniciens de service. Voyager, être en déplacement, ne plus être chez soi : La plupart n’en veulent pas. Nous avons donc décidé de prendre les choses en main et de former nos collaborateurs existants sur place – dans nos propres académies de service.

HESSE Ce travail pourrait-il être numérisé partiellement, par exemple en introduisant la télémaintenance ?

NELL Dans une certaine mesure, oui. Les solutions numériques, comme le service à distance, sont en plein essor et nous développons également en permanence de nouveaux systèmes d’assistance numériques. Nos panneaux C.O.R.E. permettent même d’organiser des visioconférences directement sur la machine. Et le système est suffisamment intelligent pour fournir directement les données les plus importantes pour un dépannage rapide, si le client l’autorise. Cela permet à nos clients et à notre équipe du service client d’éviter de se déplacer.

Mais en fin de compte, il s’agit de construction mécaniques de machines qui pèsent plusieurs tonnes et au sein des desquelles se cache beaucoup de haute technologie et dont tous les travaux de réparation ne peuvent pas être effectués à distance.

HESSE C’est un problème dans de nombreux secteurs, notamment celui des soins. Il y a de nombreux exemples qui attestent que le télétravail n’est pas toujours possible. Que peuvent faire les employeurs dans ce cas ? Ils peuvent travailler sur leur culture d’entreprise et s’adresser à leur groupe cible de manière très précise. Pour ce faire, ils doivent très bien connaître les besoins de leurs groupes cibles et leur soumettre des offres adaptées. Au cours des prochaines années, la situation du marché du travail obligera de plus en plus les entreprises à s’adapter d’une manière ou d’une autre.

NELL Ce que nous essayons de mettre en place, c’est de former nous-mêmes nos jeunes pour la relève. Si j’observe les constructeurs de machines, généralement des PME qui ont du mal à recruter, c’est très probable qu’ils ne sont pas très axés sur la formation interne. Chez nous, ça marche bien. Et parmi ceux qui suivent les formations, on trouvera peut-être nos techniciens de service.

BAUDER-ZILLY Je trouve que c’est une bonne chose d’aborder de tels sujets et d’envisager des mesures à long terme et ne pas attendre qu’il soit déjà trop tard. Les entreprises qui misent sur la formation interne ont alors vraiment les collaborateurs dont ils ont besoin.

HESSE De nombreuses technologies et mécanismes, qui sont en fait déjà courants dans le marketing depuis des années, sont désormais appliquées au recrutement. Au lieu de se fier à l’intuition de recruteurs expérimentés qui savaient à peu près déchiffrer les candidats, on travaille désormais sur la base de campagnes avec des chiffres, des données et un criblage spécifique. Quelqu’un qui travaille dans l’informatique a des intérêts en matière d’apprentissage différents par rapport à quelqu’un qui est employé dans la logistique et dont la préoccupation première est peut-être le salaire. Si c’est le cas, même quelques centimes au niveau du salaire horaire font souvent la différence. L’ancienne idée selon laquelle il suffit d’avoir une page Web de recrutement où les candidats peuvent choisir ce qui leur convient, est de plus en plus révolue. Et ce n’est pas un phénomène uniquement allemand. C’est valable globalement. Parce que nous sommes confrontés à la numérisation partout, lorsque nous faisons nos achats, nous regardons la télévision, nous écoutons la musique. Partout l’individualisation augmente et cela n’épargne pas le secteur des RH.

BAUDER-ZILLY Pour moi, peu m’importe, dans une certaine mesure, de vendre un emploi ou un yaourt à la fraise. Bien sûr, il y a une différence entre acheter un yaourt au supermarché ou faire l’expérience vrai changement de vie avec un nouveau travail. Mais les approches marketing qui s’y cachent derrière sont les mêmes. C’est aussi quelque chose que j’ai d’abord dû comprendre et qui maintenant s’intègre lentement dans les services RH.

HESSE Pour moi, le recrutement est aujourd’hui un tryptique composé de technologie, de travail axé sur les données – et en fin de compte de la question : Pourquoi travailler auprès de cet employeur ? Et la réponse à cette question diffère d’une personne à l’autre.

NELL L’un des défis de notre secteur, c’est-à-dire de l’ingénierie mécanique, est l’image que nous dégageons. Beaucoup de gens ignorent ce que nous faisons et à quoi ressemblent nos usines. Ils ont encore en tête l’image dépassée d’un atelier de production duquel se dégage une forte odeur d’huile et dans lequel travaillent des ouvriers qui ont les mains ales. En réalité chez nous, vous pouvez même manger par terre. Le travail ne consiste plus seulement à assembler quelque chose de ses main. Il s’agit de haute technologie, c’est-à-dire de technologie de pointe au plus haut niveau. Sinon, nous ne serions pas en mesure de fabriquer nos machines avec une telle précision. Et cela inclut bien sûr aussi des logiciels sophistiqués. C’est pourquoi nous employons de plus en plus d’ingénieurs logiciels. Et souvent, les gens ne sont même pas conscients de ce que l’ingénierie mécanique permet d’accomplir. En tant qu’entreprise de taille moyenne, nous sommes présents dans les secteurs les plus divers. De la construction automobile, aéronautique ou navale, au secteur de l’énergie, en passant par l’emballage, la médecine et de bien d’autres choses encore – même les secteurs qui n’existent pas encore et qui ne font qu’arriver sur le marché. Il faut bien que quelqu’un produisent tout cela. Nous essayons en premier lieu de montrer ce que nous faisons. Les efforts déployés pour la relève ont majoritairement lieu au niveau local. Si nous recherchons la relève à Tübingen, nous devons être actifs à Tübingen, tout comme à Thoune. Les gens ne sont pas mobiles, ils préfèrent rester dans leur région. Et nous recherchons des personnes sur plus de 20 sites. Parfois, nous essayons également de transférer des professionnels d’un site à l’autre. Mais c’est difficile. Peu sont ceux qui sont disposés à le faire. La fidélité extraordinairement longue à notre entreprise est un facteur positif. Nous avons des personnes qui ont plus de 50 ans d’ancienneté et des collaborateurs qui travaillent pour nous depuis deux générations. Et nous avons de faibles taux de rotation. Et les objectifs ? Nous voulons que les gens soient prêts à faire plus, qu’ils mettent les « bouchées doubles ». Car je peux tout reproduire dans l’entreprise, sauf deux choses. L’une d’entre elles est l’image, la bonne réputation de la marque, et il faut travailler pour y parvenir. La deuxième chose que vous ne pouvez pas reproduire, c’est une équipe motivée qui fait un peu plus que les autres.

BAUDER-ZILLY En fait, toutes les entreprises veulent des employés qui vont plus loin pour servir les clients. Je pense que la question est plutôt de savoir comment y parvenir. Il y a probablement plusieurs réponses à cette question. Et ma réponse personnelle consiste à dire que, même si je fais partir d’une grande entreprise comme celle pour laquelle je travaille, je peux répondre individuellement aux besoins des personnes à chaque phase de leur vie.

HESSE Et comment faîtes-vous, Monsieur Nell, pour vous assurer que ce dernier kilomètre soit parcouru ?

NELL En tant qu’employeur, nous avons beaucoup à offrir. Nous sommes une entreprise internationale et, de surcroît, à la pointe de la technologie. Cela offre une multitude d’opportunités professionnelles. Nous accordons une grande importance à l’évolution professionnelle de nos employés, que ce soit par le biais d’expériences à l’étranger, de formations et de formations continues , ou en leur octroyant plus de responsabilités, c’est-à-dire en leur donnant la possibilité de faire carrière, et ce, même indépendamment des certificats ou des attestations de travail. Nous donnons vraiment une chance aux personnes qui le veulent et qui en ont les capacités. C’est pourquoi nous recherchons en premier lieu des personnes et pas seulement des qualifications.

HESSE Vous voulez dire l’attitude ?

NELL Oui, l’homme doit s’intégrer aux structures existantes. Bien entendu, il est essentiel qu’il puisse faire le travail par la suite. Mais les compétences professionnelles peuvent s’apprendre. Si la nouvelle recrue s’intègre dans l’équipe, le reste suivra. S’il est parfait sur le plan professionnel, mais si sa personnalité ne plaît pas, ça ne marche pas.

HESSE Je ne dirais pas non plus que l’intuition n’a pas d’importance. Mais je dirais que l’intuition ne doit pas être le critère principal, mais la méthodologie à laquelle s’ajoute l’intuition. Atteindre des groupes cibles régionaux du bon âge avec une certaine histoire à raconter, aujourd’hui c’est possible, mais c’était encore impossible il y a cinq ans.

NELL Par exemple, nous laissons nos apprentis raconter leur histoire eux-mêmes, car c’est plus crédible. Ils construisent eux-mêmes le stand aux salons locaux, réalisent des vidéos et des campagnes complètes sur les réseaux sociaux. Nous ne leur dictons pas ce qu’ils doivent dire. Et une fois les professionnels chez nous, nous essayons de les retenir. La plupart d’entre ont le cœur à l’ouvrage. Pas à 100 %, nous n’y parvenons pas. Mais une grande majorité de nos employés sont passionnés par l’entreprise dans laquelle ils travaillent.

« POUR MOI, PEU M’IMPORTE, DANS UNE CERTAINE MESURE, DE VENDRE UN EMPLOI OU UN YAOURT A LA FRAISE. LES MÉCANISMES AUXQUELS IL FAUT FAIRE APPEL SONT BIEN LES MEMES. »
Karin Bauder-Zilly

EN ENTRETIEN

KARIN BAUDER-ZILLY

Head of HR Marketing and Analytics en Allemagne (People Acquisition Campus), Robert Bosch GmbH. Elle travaille depuis 20 ans dans les ressources humaines au sein des quelles elle a occupé différents postes, depuis dix ans dans le domaine « Talent Acquisition ». Depuis 2022, elle est responsable du marketing du personnel en Allemagne chez Robert Bosch GmbH.

 

GERO HESSE

CEO d’« Embrace », un association d’agences de services autour du thème du recrutement et des ressources humaines à Gütersloh. Après des études d’économie et de droit, ce diplômé a travaillé dans les domaines Human Ressources et Employer Branding auprès du groupe Médias et Services Bertelsmann, et par la suite dans l’agence de Content Marketing « Territory », avant de se lancer en tant qu’indépendant en 2009.

 

STEPHAN NELL

Depuis 2012, Stephan Nell est responsable des affaires de UNITED GRINDING Group dans le monde entier en tant que Chief Executive Officer. Il a rejoint STUDER en 2003 en tant que directeur commercial pour l’Europe et a été président directeur général de 2007 à 2011.

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